J’observe avec stupeur l’effondrement du pont des soupirs
Du pont qui m’a tant de fois porté, emporté hors de ma vie
Et qui m’a révélé qui j’étais, qui je dois être…
Une crue irrésistible défausse les arches, et le flot
Enlève bloc à bloc la patiente œuvre de l’homme
Jour après jour, s’effacera son souvenir
Personne ne saura ce qu’il a signifié pour nous
Ni pourquoi tant de fois j’ai chanté le monument détruit
Qui n’importe plus à personne, pas même à moi
C’était le pont du désir le pont de la jeunesse sacrifiée
Le merveilleux pont de mes années parisiennes,
Qui franchissait, sans que nul n’osât y croire,
Le flot des instants perdus.